Ah la magie de la salle d’attente de la gare Centrale !…
En face de moi, une très jeune femme plutôt pas mal parle toute seule. Je l’observe : non, elle n’a pas d’oreillette. Sa conversation avec elle-même est calme. Pas d’énervement. Et c’est terrible tout ce qu’elle a à se raconter à elle toute seule. Ça a l’air passionnant.
Tout en conversant frénétiquement, les deux jeunes femmes à ma gauche avalent une quantité invraisemblable de tartines au gouda jeune, dont l’odeur rivalise avec celle du gars à ma droite. Sa barbe a l’air pensive, comme son regard fixé droit devant lui. Ça fait un quart d’heure que rien ne bouge chez lui, à l’exception des effluves peu ragoutantes qu’il fait promener dans toute la pièce.
A l’entrée, une femme, la soixantaine, s’énerve au téléphone. Parle-t-elle à sa fille ou à son assistante ? Je ne sais pas. Mais oui oui elle s’énerve, oh là là. Tais-toi ! lui hurle-t-elle. Juste avant de préciser qu’elle ne la comprend pas, et donc de lui demander d’articuler.
Un jeune gars vient de rentrer. Il ressemble à Alexander De Croo, sourire et cravate en tête. Il s’assoit à côté de la fille qui parle toute seule, et ouvre son ordinateur. Il bosse. Comme moi.
Une femme voilée entre la main ouverte en avant. Elle fait le tour. Se plante devant le gars qui pue. Mais il semble ne pas la voir. Et donc elle sort, à la recherche de petites pièces ailleurs.
Le barbu se lève – Ah ! il est vivant… – et sort de la salle d’attente, en omettant de prendre avec lui toutes ses odeurs. Il nous les laisse. Un petit vieux, petit sourire aux lèvres, se précipite sur cette place soudainement libre. Il commence un Sudoku. La grille facile.
A côté de lui, deux gars discutent. Un vieux Blanc et un jeune Noir. Ils discutent voyage. Tu as déjà été à Alost ? Non, mais Vilvorde oui. Et c’est beau ? Pas autant que Zottegem.
Et moi, j’écris mon bouquin. Et peut-être devant moi ou à mes côtés, quelqu’un m’observe. Et écrit sur son blog qu’un drôle de gars aux cheveux gris un peu hirsutes a un petit sourire en coin. Regard malicieux qui se dit que même dans une salle d’attente on a déjà le gout du voyage.