Léna

Posté le 26 avril 2010 dans Divers

Le 26 avril 1989, à 8h33 dans la chambre 633, ma vie connaissait sa date pivot, l’année de mes 33 ans : je devenais père pour la première fois.
A jamais il y aura un avant et un après. Quelques minutes après sa naissance, Léna était dans mes bras maladroits. Ses yeux ouverts furetaient autour de ce monde nouveau. Une salle d’accouchement n’a rien de bucolique, mais qu’importe, des milliards de stimuli s’offraient à elle. Des couleurs, de la lumière, des formes, des sons, de l’espace, du relief, des odeurs, un toucher, des yeux. Ses yeux !… En les regardant, dans l’émotion du moment, je me suis fait cette bizarre réflexion : cet être qui vient de naître vient en partie de moi, mais ce n’est pas moi. C’est elle, être à part entière, dont le destin est de devenir autonome. Sans moi et avec moi.

Je ressentais dès lors cette double contrainte : je devais vivre ! Le plus longtemps possible, parce que j’héritais alors d’une responsabilité inaliénable. C’était fini le temps de l’insouciance. Mon rôle de parent, je devrai l’assumer tous les jours. Mais en même temps, je devrai mourir un jour. Parce qu’en effet, j’avais pour la première fois de ma vie devant moi un être vivant dont il était hors de question qu’il puisse mourir avant moi. Je sentais, alors que mon enfant n’avait que quelques minutes d’existence, que mon instinct de survie était ébranlé. Entre ma vie et la sienne, je savais que mon instinct m’indiquerait qu’avant tout je devrais sauver la sienne. Ainsi, en donnant la vie, je justifiais ma propre mort, un jour.

21 ans plus tard – que ça passe vite !… -, la vie nous a protégés de ces affres-là. Un frère l’a suivi. Et je ressens toujours cette belle émotion, devant des yeux autonomes qui conquièrent le monde. Son monde. Bon anniversaire, Léna !

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