Je ne suis pas un adepte particulier de la science fiction. Mais j’ai lu quand même quelques bouquins où certains protagonistes avaient le pouvoir de prédire l’avenir. Ce don était souvent compensé par l’interdiction d’en faire usage. Sinon, l’histoire, avec ou sans grand H, ne serait plus la même. Et le serpent se mordrait la queue perpétuellement en attente d’un déroulement dont le futur ne serait pas perverti par un passé recomposé postérieurement, si vous suivez ce que je veux dire péniblement. Parce qu’en effet, l’avantage du futur est de rester futur, c’est-à-dire plein de surprises et non de déterminisme démobilisant. Soit. Quittons les chemins de ce genre littéraire pour revenir à notre bon présent : A quoi donc servent les sondages ?
Je comprends qu’une firme sonde sa clientèle potentielle avant de lancer tel ou tel produit ou service. C’est normal. Elle serait conne de se priver de cette connaissance que lui livre avec parfois beaucoup de justesse la maîtrise des statistiques. Je comprends donc également qu’un parti sonde la population quant à l’effet positif ou négatif de telle ou telle mesure. C’est du même tonneau. Je peux comprendre en outre que les partis se préparent le mieux possible aux lendemains électoraux qui chantent ou déchantent. C’est humain, et cela relève d’une saine gestion. Gérer c’est aussi prévoir.
Mais quel est l’intérêt réel de publier de tels sondages ? Là est la question.
Les politiques s’évertuent à dire qu’ils ne gouvernent pas avec les sondages. Prenons-en acte : il ne leur est donc pas intéressant que l’opinion soit influencée par lesdits sondages.
Cette dernière, l’opinion publique, a-t-elle vraiment “besoin” de connaître les sondages pré-électoraux ? Lui est-ce utile ? Non, à rien, si ce n’est éventuellement à adapter son vote, c’est-à-dire à modifier le présent en connaissance de ce qu’aurait pu être le futur. Vous me suivez toujours ?
Un ami, qui dirige un institut de sondage m’a dit un jour qu’il ne gagnait pas beaucoup avec les sondages politiques. Les entreprises paient mieux. Le seul avantage que les instituts ont avec les sondages électoraux est lié à leur notoriété.
Dès lors, qui a intérêt à publier les sondages ?
Ben uniquement les médias. Les journalistes qui sont censés relayer le réel, et qui alors diffusent le virtuel… Ca n’est pas à proprement parler une analyse politique, mais simplement un polaroïd d’une projection dans cette hypothèse forcément fausse : “Si l’on votait aujourd’hui, je voterais pour…” Quelle est la valeur ajoutée du journaliste dans cette information ? Parfaitement aucune.
Avec ces dernières élections, les sondages bouleversent réellement l’analyse des résultats :
- Les Ecolos font finalement moins que ce qui était attendu. On les attendait au coude à coude avec le MR à Bruxelles, mais ils sont quand même pas mal loin derrière.
- Le PS s’effondre nettement moins que ce qui avait été annoncé, ce qui lui permet d’afficher soulagement et satisfaction, alors qu’il perd quand même 9,61 % de ses électeurs en Wallonie et 17,75 à Bruxelles.
Finalement, j’aurais préféré la surprise totale à l’étonnement face à la marge d’erreur des sondages. Pas vous ?
Rejoignons politique et fiction : en 2002, juste avant le premier tour des élections présidentielles en France, tous les instituts de sondage avaient perçu que Le Pen franchirait le premier tour. Mais ils se sont tus. Sur base du raisonnement suivant : si cela se sait, des électeurs à coup sûr modifieront leur vote. Une partie de ceux qui avaient décidé de voter pour Chevènement, Mamère ou Taubira auraient décidé de voter utile, en choisissant Jospin. Il suffisait de moins de 6% de ces électeurs pour faire recaler Le Pen. Et donc, on se serait dit que les instituts de sondage s’étaient trompé, voire avait manipulé l’opinion.
La clé est donc dans la science fiction : quand on sait l’avenir, on la ferme !