Ah là là, la Stib, mais qu’est-ce que c’est pénible !
Lundi de Pentecôte. Je travaille. Mais les dirigeants de la Stib sont convaincus que, un, les jours fériés personne n’a de raisons de travailler, et deux, leurs clients, quand ils ne travaillent pas, restent terrés chez eux. Le samedi, le dimanche et les jours fériés, Bruxelles, selon la Stib, ressemblerait à ces films de sciences fiction, où tout d’un coup vous vous retrouvez unique rescapé, perdu dans un désert de silence et d’absence totale de mobilité. Eh bien, c’est mon sentiment ce matin. Si ce n’est qu’il est partagé avec quelques dizaines d’autres personnes, qui ne comprennent pas le scénario dans lequel ils jouent. Sur le quai du métro, on a tous l’air de zombies résignés dans une léthargie endormie. Que peut-on faire contre la Stib ? Rien. Nous ne sommes que de bêtes figurants.
La Stib a inventé le concept de vitesse commerciale : et en effet, une quinzaine de minutes plus tard, j’arrive à quelques centaines de mètres de chez moi, au furoncle de la Stib, le rond-point Churchill, cet arrêt stupide qui vous oblige à changer de tram en pleine ligne droite. Comme tout client passif et fataliste, je m’exécute. L’image qui me vient chaque fois à l’esprit est celle de cette file de prisonniers chinois que j’ai vu arriver sur un chantier un petit matin calme en Algérie. Ma file n’est pas plus souriante. Le seul mouvement perceptible est un haussement d’épaules soumis et discipliné. A quoi bon ?… Je m’installe dans le tram 23 qui prend le relais. J’ouvre mon ordinateur et commence à travailler. Mais le tram ne démarre pas. Je regarde l’écran. Vingt-et-une minutes ! Le tram va démarrer dans 21 minutes ! Oui, oui, vous avez bien lu.
Je m’attends à ce qu’une hôtesse vienne débiter ses consignes de sécurité ou prendre les commandes de plateaux repas, mais non, rien. Ce 21 minutes me nargue. J’ai même la fâcheuse impression qu’il met plus d’une minute à passer à 20. Je regarde mes co-passagers, mes compagnons d’infortune, un peu comme si nous avions échoué ensemble sur une île déserte. Lost au milieu du Rond-Point Churchill. Mais non, personne ne semble s’en émouvoir. Prison Break. Est-ce une caméra cachée ? François l’Embrouille serait-il le wattman ? Je vais voir. Non, ce n’est pas lui. C’est un gars qui fait ses mots croisés. C’est ça le truc de la Stib : payer ses employés à faire des mots croisés pour dégoûter ses clients de l’envie dorénavant de prétendre encore à de bêtes et inutiles déplacements.
Je demande au gars “Un mot de quatre lettres qui désigne une entreprise qui fait tout pour faire fuir ses clients”. Bon, j’avoue, ce n’est pas comme cela que j’interromps le brave gars dans son passe-temps favori. Mais c’est tout comme. Parce qu’il me répond tout de suite qu’il me comprend parfaitement, qu’à ma place il râlerait aussi, et que franchement ce changement de tram à Churchill est d’une débilité profonde qui emmerde tout le monde. Sauf les patrons de la Stib qui, à l’évidence, ne se déplacent jamais en transports en commun.
Il me conseille d’écrire. Ecrire, c’est tout ce qui nous reste à faire. On pourrait passer notre temps à écrire. Pour moi, ça ne m’ennuie pas trop d’écrire, j’aime ça. Mais la Stib, elle, elle n’aime pas. Je lui ai déjà écrit une demi-douzaine de fois, mais jamais au grand jamais elle ne m’a répondu. Le résultat viendra de notre obstination. Ecrire, écrire, écrire, le pouvoir des mots et du crayon. Je vais lancer Amnestib International.
Et notre première revendication sera la suivante : interdire à tout administrateur et dirigeant de la Stib d’avoir une bagnole ! En trois mois, vous pouvez en être sûr, les transports en commun, ça cartonnera. Et les chauffeurs n’auront plus le temps de faire leurs mots croisés.
un commentaire pour Amnestib International
Décidément. Tu devrais faire un film de tes aventures avec la stib.
Tu pourrais l’intituler, je ne sais pas moi… Bienvenue à la Ch’tib ;-))))