Au revoir Maman

Posté le 23 avril 2019 dans Mes coups de coeur, Mon actu

Notre maman est décédée ce 16 avril 2019, après de nombreux mois difficiles pendant lesquels sa vie ne tenait plus qu’à un fil. Mais un fil d’acier. Son dernier souffle fut donc une délivrance, après 88 ans d’une vie bien remplie.
Les funérailles ont eu lieu à Tournai le samedi 20, dans la très belle église Saint-Jacques. Le samedi de Pâques, « samedi saint » pour les Chrétiens, veille de la résurrection. Un jour particulier pour notre mère qui ne se sera jamais éloignée de la religion. Popol, notre père, avait été enterré un 23 décembre, avant-veille de Noël, jour de la Nativité. D’un noël blanc à une pâques radieuse, nos deux parents auront réussi dans la symbolique. Comme s’ils avaient voulu, à près de dix ans d’écart, manifester leur foi en la renaissance, en l’au-delà.

Un couple qui a conjugué amour et humour toute leur vie…

Dans ce billet, je reprends la plupart des textes de la cérémonie. Pour celles et ceux de nos proches qui, éloignement oblige, n’ont pu y participer. Mais aussi comme mémoire de ce moment chargé d’émotions, à la gloire de notre maman.
Ce blog est public… N’aie crainte dès lors, lecteur anonyme qui ne connaissais pas ma maman : il n’y a aucune impudeur à lire ici l’hommage que nous avons réservé à notre maman, femme d’exception dans sa générosité et son sens de l’hospitalité. Elle le mérite.

L’église Saint-Jacques
Superbe église que je ne connaissais pas en fait. Construite à la fin du 12ème siècle sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, elle est éclairée par de magnifiques vitraux. Son entrée semble nous accueillir dans une autre époque.
Notre procession accompagnant le cercueil de notre maman fut à l’image de notre famille : sans préséances ni cérémonial particulier. Graves et tristes, nous étions heureux de découvrir une église pleine. Un peu moins de 500 personnes présentes pour célébrer la beauté de la vie de notre maman.

Et le cercueil lui-même, décoré par les petits-enfants, était un résumé des sourires et des rires qui illuminèrent nos enfances.

La cérémonie fut célébrée par Jacques Piton, un très chouette prêtre, qui à l’évidence connaissait toutes les chansons par coeur.
Il aura été un beau chef d’orchestre d’une communion d’hommages, faisant parfaitement le lien entre ce qui était dit par les uns et les autres et les paroles liturgiques qu’il nous a lues et commentées.

C’est ce que nous voulions : un homme d’Eglise, pour respecter les souhaits de notre maman, inspiré par les valeurs plus que par le dogme, des valeurs que nos parents nous ont parfaitement enseignées.

 

J’eus l’honneur ensuite de rappeler en quoi la vie de notre maman fut exemplaire.

Une vie d’hospitalité et d’humanité

Elle s’appelait Marie-Thérèse, mais on l’appelait surtout Myrèse, Tantine, Bonne-Maman. Et, pour nous 7, Maman.
Tout le monde ici l’a connue adulte, mais bien sûr elle aura été comme nous tous une petite enfant. Petite sœur de quatre grands frères, prunelle des yeux de son papa, elle est née en 1930, à une époque qui allait devenir bien trouble, mais qu’elle aura vécue avec l’innocence d’une gamine de dix ans. L’évacuation qu’elle nous racontait avait bien sûr son côté traumatisant – quitter le domicile familial avec le minimum de bagages, pour fuir l’invasion allemande, en compagnie de parents plus qu’inquiets et de frangins plus conscients qu’elle – mais dans sa mémoire il y avait aussi un aspect aventure, comme on part en camp scout.
Une anecdote ? Il semble qu’elle ait logé dans une grange dans la vallée de la Somme en même temps qu’un certain Pol Guilbert, réfugié avec ses parents dans une autre aile de la même ferme. Mais elle ne le rencontrera que quelques années plus tard, après les tumultes d’une moche guerre qui aura toutefois épargné sa famille et ses proches.

Toute son enfance et son adolescence, elle les aura donc vécues dans ce mélange d’extrême gravité et d’insouciance, qui aura sans doute forgé les valeurs que plus tard elle nous transmettra.

Elle s’appelait Gueuning, ou Gueuning, à la tournaisienne. Un drôle de nom qu’elle nous a appris à épeler comme ceci : un E entre deux U ; un I entre deux N ; le tout entre deux G. J’ai essayé avec un officier d’état civil. Eh bien je vous le déconseille.
Elle s’appelait donc Gueuning, mais dès ses 20 ans, elle épousa le nom Guilbert. Son grand et beau Pol était passé par là ; toute sa vie en sera marquée.

Il est impossible en effet de parler de Myrèse sans parler de la relation fusionnelle qu’elle a nouée avec Pol, qui deviendra Popol. Celui-ci, notre père, était un artiste de la blague. Et Myrèse, notre maman, était son acolyte. Popol excellait en tant que clown ; Myrèse lui faisait office de clown blanc, de Madame Loyale. On pourrait écrire un livre à partir des blagues que fomentait notre père sous le regard complice de Maman.
Un exemple ? Lorsque ados, nous invitions des amis à la maison, notre père les accueillait avec excès d’affabilité en leur tendant un grand livre. « La tradition chez nous, expliquait-il, est de lire les saintes écritures à table. Et l’honneur de la lecture revient à l’invité… » La tête de nos amis !… d’autant que nous avions l’interdiction, tacite, de démentir notre paternel. Cela, c’était le rôle de sa Myrèse. Popol pouvait aller jusqu’au bout ; Maman savait jusqu’où, et là, elle disait « Ne t’en fais pas, c’est une blague… »

Cela dit, les saintes écritures joueront quand même un fameux rôle dans la vie de notre mère. Impossible non plus de parler d’elle sans évoquer sa relation avec la religion catholique. Nous chantions le bénédicité à chaque repas ! Et tous les soirs, c’était la prière à genoux devant le crucifix. C’est dire. Il n’est pas sûr que ça ait vraiment porté ses fruits à l’égard de tous ses enfants et petits-enfants, mais on ne pourra pas lui reprocher de n’avoir pas essayé.
Sa vie de couple commence à Lourdes, pour le voyage de noces. Là, elle prie la Sainte-Vierge d’exaucer son vœu d’avoir six enfants. Mais ils ne viennent pas ! Trois ans plus tard, elle demande alors à ses beaux-parents, en pèlerinage à Lourdes, de réitérer sa supplication. Et cette fois-ci, ça marche. Le petit Michel montre sa tête toute rousse auréolée d’une bénédiction divine. Ce sera le premier d’une longue série quasi continue. Six enfants ? Ben non : un septième se profile treize ans après l’aîné. Eh bien, figurez-vous qu’alors elle s’est mise à souhaiter avoir des jumeaux. Pour terminer en fanfare.

Épouse, mère et clown blanc, telle sera une énorme partie de sa vie. A la Source des Mottes, qui sera son domaine pour 40 ans. Elle se levait avant tout le monde, et se couchait la dernière. Tant que, du moins, certains de ses enfants ne commencent à sortir discrètement par la corniche du deuxième étage. Tous les jours, elle préparait deux fois un repas pour 9. Et elle était la première à dire que s’il y en avait pour 9, il y avait forcément assez pour 10, 12, allez 15. C’était donc très très souvent table ouverte à la maison. Pour notre plus grand bonheur comme pour la jubilation de notre père, systématiquement prêt à refaire le coup des saintes écritures à lire pendant le repas.
Elle reçut tant de monde, amis, cousins, clients, amis d’amis, cousins de cousins, clients de clients, qu’un seul livre d’or n’aurait pas suffi.

Cette propension à accueillir toujours plus, que nos parents ont inoculée à tous leurs enfants, ils l’ont mise en pratique avec d’autres enfants, leurs enfants de cœur (sans h, monsieur l’abbé).
Un scoop ? Ils auront été des hébergeurs de migrants avant la lettre : Erika, d’Allemagne de l’Est ; Suzanne, de Hongrie ; Messa et ses sœurs, d’Algérie. Ils auront aussi fait office de famille d’accueil ou quasi, pour Bernadette, Anita, Marie-Claire. Mais aussi, allez, pour nos amis Alain, Pierre, Véro et tant d’autres, qui se seront toujours sentis chez eux chez nous. Et puis, lorsque leurs enfants commencèrent à quitter le nid, ils auront été de vrais parents pour Nathalie, Catherine, Valérie, Jean-François et Jean-Philippe, orphelins de notre cousine Monique, de véritables petits Soleil dans la vie de Myrèse, avant donc qu’elle n’entame sa longue carrière de Bonne-Maman.
Mère au carré, elle le fut donc jusqu’au bout des ongles. La phrase qui figure en tête de faire-part, c’est elle qui l’a voulue :

L’amour d’une maman, c’est comme le pain :
chaque enfant en a sa part et tous l’ont en entier.

Elle en aura eu des enfants ! Et tous nous l’aurons eue en effet en entier.
Nombreux sont donc ici ceux qui, au-delà de nous 7, eurent le bonheur de nouer une relation quasi filiale avec notre maman. Et nombreuses aussi sont ici celles qui un jour subirent la recommandation, voire l’obligation, de mettre une jupe moins transparente.

Popol, par gag, l’appelait « mon adjudant ». Bien sûr, c’était exagéré. Leur époque les avait amenés à une structure de couple conventionnel : à Popol le travail, les relations externes et l’apéritif ; à Myrèse tout le reste. Et elle ne s’en privait pas. De nos études à notre éducation religieuse ; des mouvements de jeunesse aux premiers émois d’adolescent ; de la cuisine à l’entretien du jardin ; du bain des petits-enfants à sa fameuse recette de choco.
Adjudant, elle l’était tout de même un peu, à nous mener à la baguette, notre vingtaine de cousins et nous, pendant les vacances à Vierves-sur-Viroin. C’est pour cela que nous l’appelions « Le bulldozer ». Ou le « dragon ». C’était gentil, et elle en riait. Ah le bulldozer, eh bien vous allez voir ! On devait se lever tôt. La grasse matinée chez nous se terminait vers 8h et demi. « On n’est pas en vacances pour ne rien faire », disait-elle.

Une révélation ? Myrèse fut féministe dès ses premières années de mère, si si : pour les multiples tâches ménagères que nous étions forcés d’accomplir lors de ces vacances où nos pères passaient alternativement de l’apéritif à la sieste, elle ne faisait strictement aucune différence entre garçons et filles : patates, vaisselle, lits, courses, haricots princesse, nous devions faire tout !
Nos épouses et compagnes peuvent l’en remercier aujourd’hui.

A part ces quelques escapades de vacances, toute sa vie se sera déroulée dans un périmètre de quelques kilomètres carrés. Mais déroulée de main de maître.
On lui doit beaucoup de choses. L’écriture et la bonne orthographe notamment. Le sens de l’accueil, je l’ai dit, et sans doute une générosité congénitale. La haine du conflit aussi, comme la résolution d’en sortir. Mais si je peux pointer le plus qu’à mes yeux elle nous a apporté, c’est la pensée positive, l’optimisme. Nombreux sont ceux ici qui pourront chanter tout à l’heure avec Geneviève le fameux « Quoi qu’il arrive » qui était sa marque de fabrique, à elle qui chantonnait tout le temps. Retenez bien les paroles, vous en aurez besoin plus tard, voire toute votre vie :

Quoi qu’il arrive
J’ai toujours le sourire
Je prends la vie
Du bon côté
Et je me dis
Qu’il peut arriver pire
Et ça suffit pour me mettre en gaité.

Tous ses enfants, petits-enfants et enfants de cœur connaissent cette chanson !

Il y a bientôt dix ans, nous enterrions Popol, après sept années d’un Alzheimer qui aura marqué une grande partie de la vie de Maman. Sept années où elle se donnera à fond dans son rôle d’épouse garde-malade. Finalement, Popol sera devenu son ixième enfant. Devenue veuve, elle savait que quoi qu’il arrive il peut arriver pire. Et elle accepta les années qui l’amenèrent peu à peu à la vieillesse. L’air de rien, sans jamais se plaindre. Elle se trouva toutefois une belle énergie en déménageant à la Verte-Feuille. Là, elle retrouva son allure de chef de mouvement de jeunesse avec ses nouvelles amies. Chef d’unité comme elle le fut bien des années auparavant. Elle rayonnait. Et aimait montrer ses enfants et petits-enfants.

Mais les années passent. Et l’heure vint malheureusement de passer du côté du home, plus tôt qu’on ne l’aurait imaginé, nettement plus tôt que ce qu’elle voulait. Sa dernière année fut désarçonnante pour nous tous. Comme pour Blanche et Valère, ses derniers et adorables voisins. Elle nous échappait. Moi, je crois qu’elle était dans un no man’s land, prête, mais patiente, à retrouver son Popol de clown mais aussi son papa, sa maman et ses quatre frères.

Voilà, Maman, tu auras connu une vie drôlement bien remplie. Près de 89 ans de responsabilité dans l’optimisme. De joie de vivre jusque dans l’obstination. Sans vrais drames, à part le décès de ta maman lorsque tu n’avais que 32 ans, et celui de ta filleule et nièce Monique.
Tu laisses derrière toi un formidable cadeau dont tu peux être fière : une fratrie extrêmement unie, heureuse d’être si nombreuse et si ouverte. Sept enfants, dix-sept petits-enfants, toutes nos compagnes et compagnons, et cette multitude d’enfants de cœur ; et maintenant les arrière-petits, qui commencent à montrer le bout de leur nez. Grâce sans doute à tes prières secrètes à la Sainte-Vierge de Lourdes. Cette tribu, c’est sans aucun doute le plus bel héritage que Papa et toi vous nous laissez.

Popol nous a quittés sous une neige étincelante. Myrèse le rejoint sous un soleil radieux. Monsieur le clown va accueillir sa Madame Loyale.
Aussi, mes amis qui êtes dans cette église, je vais vous demander quelque chose. Lorsque tout à l’heure Maman remontera pour la dernière fois cette allée, en fin de cérémonie, on l’applaudira.
Le clown blanc quittera la piste. Et aura droit à une standing ovation.

 

La lumière
Tous les petits-enfants et leurs compagnes et compagnons éclairèrent alors le cercueil déjà bien décoré par eux.

L’épitre de Saint-Paul

Nous qui avons bien connu notre père, véritable clown comme je pus le rappeler, une épitre de Saint-Paul évoque d’excellents souvenirs. La paroisse familiale était justement celle de Saint-Paul, où notre père avait monté une troupe qui proposaient des spectacles comiques. La troupe s’appelait tout naturellement « Les Pitres de St-Paul »…
Clin d’oeil ou non, l’épitre que lut François – La Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens – faisait écho non pas à l’humour de nos parents mais bien à leur capacité énorme à aimer. Lisez plutôt. Un beau texte.

J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.
J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.
L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.
L’amour ne passera jamais.

Des intentions humanistes

Ma soeur Nadette et mon frère Philippe, nos soeurs de coeur Filousse et Valérie, ainsi que Marie-Hélène, une amie de toute une vie, récitèrent les intentions suivantes :

Intentions de Marie-Hélène
Myrèse, en regardant ta photo, c’est ton éclat de rire que j’entends et cela me réchauffe le cœur.
Depuis l’annonce de ton départ me reviennent de si beaux souvenirs : la maison toujours ouverte, le grand jardin, Tips, les pains de chez Mamour, la camionnette Volkswagen que les « grands » conduisaient pour nous emmener nous, les « petits », au bois de Flines, Vierves, la mayonnaise à la fourchette, … Tant de jours heureux…
Tant de jours heureux qui ont participé à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui et qui me lient à jamais à tous ceux qui les ont partagés.
Prions pour que le rire de Myrèse résonne à jamais et apporte joie de vivre et réconfort à tous ceux qui en ont besoin.

Intentions de Philippe
Maman aimait la nature, les fleurs, les oiseaux qu’elle nourissait chaque hiver. Elle aimait les balades en campagne et en forêt. Elle se désolait, comme nous tous, de voir l’environnement et le climat aussi perturbés.
Par nos prières, nos pensées ou nos actions, puissions-nous participer à la préservation de l’environnement et à garder ce monde vivable pour l’humanité toute entière.

Intentions de Nadette
Maman nous a quittés petit à petit, incapable de se déplacer, puis de nous parler.
Il ne nous restait pour communiquer que des sourires partagés, des regards échangés, des mains qui se serrent…
Elle ne s’est jamais plainte et a été entourée de près par la grande famille qu’elle a fondée avec Popol.
Toute l’équipe de la Verte Feuille l’a chouchoutée avec énormément de compétences, de douceur, de patience et de bienveillance en lui apportant tous les soins et le réconfort nécessaires.
Pensons à toutes les personnes souffrantes qui n’ont pas la chance d’être si bien entourées et soignées.
Accompagnons-les par nos prières ou nos pensées.

Intentions de Valérie
Puisse chaque enfant croiser sur son chemin une personne comme Tantine, qui nous a offert son toit et son amour alors que nous étions orphelins, faisant preuve d’une générosité sans faille. « Quand il y en a pour 10, il y en a pour 12 », telle était sa devise, et ce toujours dans la bonne humeur.
Par nos pensées et nos prières, nous souhaitons autant de chance à ceux qui en ont besoin.

Intentions de Filousse
Qu’y a-t-il de plus fort que de donner sans compter.
Qu’y a-t-il de plus grand que l’amour démultiplié.
Qu’y a-t-il de plus beau que de célébrer la vie en chantant.
Voilà l’image que nous gardons de toi, chère Myrèse.
Tu es passée dans nos vies tel un pilier droit, juste, solide, aimant et joyeux.
Pour tous ceux qui sont seuls, sans attache, sans amour, gardons-les dans nos prières ou nos pensées.


L’offrande
Les amis qui défilent, ça fait chaud au coeur. La mine grave, le sourire triste et les émotions en bandoulière, des centaines de personnes s’approchent du cercueil décoré de photos, sous un Alleluia superbement interprété par Guillaume et accompagné à la guitare par Benoit.
De l’avis de tous, Guillaume pourrait concourir à The Voice !


Une bonne Bonne-Maman

Au tour ensuite des petits-enfants. Martin, l’aîné de la génération suivante, Léna et Charlotte prirent la parole entourés de tous leurs cousins, une belle bande qu’on appelle « Les Zincs et les Zines » :

« Quoi qu’il arrive, j’ai toujours le sourire »…
C’était ça Bonne-Maman.
Elle a inscrit en nous tous l’envie de trouver en chaque occasion l’opportunité de célébrer la vie. Et c’est ce que nous souhaitons faire aujourd’hui en nous remémorant ces si beaux souvenirs en sa compagnie.
Elle nous a transmis le plaisir d’accueillir. A la Source des Mottes, sa porte était toujours ouverte, avec ses pièces immenses, ses lits bordés et sa grande table accueillante. Une table sur laquelle il y avait toujours de la place pour ceux qui passaient par là. Tes enfants, tes beaux-enfants, tes petits-enfants, mais aussi tous ceux que tu as pris sous ton aile, aujourd’hui des amis de la famille. Leur présence aujourd’hui montre à quel point ils ont pu trouver amour, chaleur et réconfort au sein de ton foyer.

Elle nous laisse des souvenirs d’enfance heureux avec une boite à bonbons toujours bien remplie à portée de main pour éviter les chutes lors de l’escalade vers les « Olala », de nombreux week-ends en famille, dont ceux à Vierves, tradition qu’on continuera à honorer avec les arrière-petits-enfants qui commencent à pointer le bout de leur nez.
Elle a aussi à sa manière été une pionnière pour la lutte contre le réchauffement climatique, avec le rituel bien organisé pour se laver. Un jour sur deux au bain et l’autre jour c’est nettoyage au lavabo avec 3 gants de toilette bien distincts. Ou encore avec ses serviettes en tissu et nos ronds de serviettes personnalisés pour pouvoir les réutiliser.

Alors aujourd’hui, malgré tous ces souvenirs, les zinks, les zines, une bande de costauds, de rigolos, d’intellos, de créatifs, on fait pas les malins ! Après tout, parler de cette très grande petite dame, ça met la pression, ça te rassoit tranquillement sur le banc de la Source des Mottes, tu as 8 ans et tu viens de plonger tes doigts dans le Pot de choco et là !… les yeux de Bonne-Maman croisent les tiens : “M’enfin !!! Mais Qu’est-ce que tu fais !? Pas avec les doigts, prends une cuillère !” Jusqu’au bout, elle nous aura surpris par sa générosité sans fin.

Si elle n’était pas très grande, que sa voix était assez fluette, Bonne-Maman avait du caractère. On a bien essayé de faire les rebelles, démonter des murs ou casser des assiettes, faire des colères, déclencher des tsunamis dans la salle de bain, s’enfoncer des cotons dans le nez… Mais on n’a jamais pu rivaliser avec son autorité si tendre qu’on avait juste envie de laisser tomber la démolition et d’aller rerererevoir La Guerre des Boutons en mangeant des cuberdons ou en dégustant son potage au cresson.

Vous l’avez compris, elle nous a apporté tellement de tendresse, d’amour, de rire, qu’il serait impossible de tout vous partager aujourd’hui. Nous pouvons faire une promesse aujourd’hui, une grande promesse vu la grande famille, c’est de continuer à donner cet amour autour de nous et de se remémorer ces beaux souvenir avec un grand sourire ! Les occasions de célébrer la vie, il n’en manquera pas !
Aujourd’hui Bonne-Maman, tu dois probablement être en pleines retrouvailles avec Popol, tu dois être tellement heureuse. Fais-lui un bisou de notre part… Et si vous nous regardez de là où vous êtes, ne vous inquiétez pas… Quoi qu’il arrive, on aura toujours le sourire…

 

Un jeu, pour terminer en beauté
Entourée de tous ses frères et soeurs, neveux et nièces, beaux-frères et belles-soeurs, Geneviève cloture les interventions par une pointe d’humour.

Maman,
Je laisse de côté ces toutes dernières années qui t’ont délestée, au fur et à mesure, de ton dynamisme légendaire.
Alors, je te propose un petit jeu, comme tu aimais nous en proposer dans la voiture pour qu’on ne voie pas passer le temps, quand on partait en vacances dans le combi VW que conduisait Papa. Ces trajets n’étaient pas bien longs : la mer du Nord ou Vierves, mais il fallait bien divertir cette joyeuse bande !

Et si…

Et si tu étais une fleur ?
Tu serais un bouquet de freesias que Papa aimait t‘offrir le samedi, en rentrant du marché.

Si tu étais une couleur ?
Ce serait le bleu, le rouge, le jaune, le vert, le rose… Mais jamais de noir ni de blanc. Tu n’aimais pas les contrastes et les clairs-obscurs. Mais l’harmonie. Toujours l’harmonie.

Si tu étais un film ?
Je te propose « La Mélodie du bonheur », l’histoire d’une grande famille, 7 enfants, beaucoup de rires, de complicités, des épreuves, mais du bonheur !

Si tu étais un voyage ?
La Maroc où tu es venue voir comment je vivais. Quelle aventure !
Affronter la mer, les vagues, sans avoir nager.
Apprendre quelques mots d’arabe pour mieux communiquer.
Enfourcher la moto dans le bled d’Abdel.
Goûter à toutes les saveurs exotiques, toi qui étais plutôt classique en cuisine.

Si tu étais une qualité ?
Beaucoup trop pour les citer, mais je retiendrai, comme tant d’autres ici, ton sens de l’hospitalité, cette porte toujours ouverte aux amis, aux voisins, aux cousins, aux copains, aux copains des copains…

Si tu étais un défaut ?
Eh bien, je dirais le défaut de la qualité : il y avait tellement de monde certains jours à la maison que j’allais me faire chouchouter chez Papy et Mamita.

Si tu étais une pièce de la maison ?
De toute évidence, la cuisine, cette pièce étroite où tu passais tes journées : mettre le tablier, préparer la soupe, éplucher les légumes et 5 kilos de pommes de terre, casser les œufs pour le pain de viande, chanter, servir un bol de soupe au facteur, nous donner tes consignes : mettre la table, ranger, faire la vaisselle, faire rentrer le chien, sortir le chat…

Si tu étais un oiseau ?
Le pinson que tu nous invitais à reconnaître. Tu disais : « écoutez, il fait ritchitchi, ratchatcha, pitchouï ».

Un insecte ? La libellule, ton totem.
Un engin ? Un bulldozer, le surnom que t’avaient donné certains de tes neveux.
Un apéro ? Un Porto.
Un plat ? Une omelette.
Un style ? Simple, sans artifice.

Et si tu étais une chanson ?
Bien sûr, cette ritournelle qui m’a tant énervée quand tu me la chantais parce que je boudais, mais qui m’a tant aidée dans les moments difficiles : « Quoi qu’il arrive, j’ai toujours le sourire, je prends la vie, la vie du bon côté et je me dis qu’il peut arriver pire et ça suffit pour me mettre en gaité ».

(Une chanson qui est définitivement la marque de fabrique de notre maman et qui est entonnée par des dizaines de personnes dans l’église.)

Standing ovation
Moment d’émotion intense, le cercueil sort de l’église derrière le prêtre, sous les applaudissements nourris de l’assistance. Popol aurait aimé.

Pieds nus dans l’aube

Au cimetière, sous un soleil étincelant, Michel nous lit un texte de Félix Leclercq, extrait de « Pieds nus dans l’aube ».

Lorsque nous étions réunis à table et que la soupière fumait, maman disait parfois :
– Cessez un instant de boire et de parler.
Nous obéissions.
– Regardez-vous, disait-elle doucement.
Nous nous regardions sans comprendre, amusés.
– C’est pour vous faire penser au bonheur, ajoutait-elle.
Nous n’avions plus envie de rire.
– Une maison chaude, du pain sur la nappe, des coudes qui se touchent, voilà le bonheur, répétait-elle à table.
Puis le repas reprenait tranquillement. Nous pensions au bonheur qui sortait des plats fumants et qui nous attendait dehors au soleil et nous étions heureux.
Papa tournait la tête comme nous, pour voir le bonheur jusque dans le fond du corridor en riant parce qu’il se sentait visé, il disait à ma mère :
– Pourquoi est-ce que tu nous y fais penser à c’ bonheur ?
Elle répondait :
– Pour qu’il reste avec nous le plus longtemps possible.

Merci
Jacques poursuivait avec un texte très perso :
Ben voilà maman, tu es partie. Et nous, on est tous là, nombreux pour te rendre hommage dans ce cimetière ensoleillé, après la cérémonie dans une magnifique église. Au fait, les églises, j’ai toujours aimé les visiter mais… vides, en dehors des offices religieux. Car, tu le sais, depuis longtemps, j’ai toujours eu du mal avec la religion… Enfin les religions en général. Un jour, je t’ai dit : « Pour moi, un monde sans religion serait un monde tellement plus beau et plus pacifique ! ». Bon, t’étais pas trop d’accord avec moi. Ce sujet nous a valu de nombreuses discussions.

Mais je voulais surtout te dire merci. Merci pour toutes ces belles valeurs que tu nous as transmises : le sens de l’accueil et de la générosité, l’amour des autres, la tolérance, le fait d’aimer et de respecter la nature et bien d’autres belles choses encore…
Tu auras été une maman rassembleuse et exceptionnelle !

 

Enfin, Filousse lisait un petit texte de Véro, grande amie de la famille, restée aux Etats-Unis :

Je te remercie pour 45 années d’un amour inconditionnel pour moi et mes enfants.
Tu étais ma lumière, qui me guidait.
Mon coeur est brisé, mais plus grand de t’avoir eue dans ma vie.

 

 

6 commentaires pour Au revoir Maman

  • heinen rolf dit :

    Pierre de vie!
    comme tu le sais mon ami nous avons l’esprit qui fabrique le vrai bonheur en nous….
    nous avons nos fibres humanoïdes qui peuvent nous mettre en doute….
    mais de toi à moi à nous il n’y a aucune distance! il n’y a que communion de nos âmes en pleurs
    je t’embrasse infiniment fort
    ton ami rolf,

  • Christian Bécart dit :

    Merci pour ce vrai et beau “reportage” qui peut, selon chacun, nous donner à comprendre que notre vie-passage n’est d’autant plus dense qu’elle a d’amour à partager. Merci à Myrèse qui reste maintenant, à sa façon, avec nous le plus longtemps possible.

  • Marc Nef dit :

    Nous étions tristes de ne pouvoir être des vôtres ce beau samedi de Pâques et, grâce à cette nouvelle et géniale idée du reportage (et on y retrouve la marque de fabrique de la famille Guilbert !), on a pu vivre l’émotion et la chaleureuse complicité de cette belle cérémonie. Cela fait des décennies qu’un fil sympathique nous relie à votre belle famille, tout d’abord avec Popol, Myrèse et La Goudinière et ensuite au hasard de toutes les rencontres régulières et occasionnelles avec tous leurs enfants. Merci pour vos beaux témoignages que nous garderons précieusement, soyez dans la sérénité et l’espérance. On vous embrasse tous très affectueusement

    Andrée et Marc

  • Quelle chance d’avoir eu une vie aussi belle, aussi riche avec autant de coeur à aimer et autant d’amour à partager. Magnifique au revoir à une femme qui fût un phare dans votre famille.

  • François dit :

    Merci pour ces textes qui font du bien.
    Il y a de tout : de l’émotion, de la poésie, de l’humour, de la spiritualité, de la philosophie et, surtout, beaucoup d’amour…
    Je suis toujours surpris par ces familles nombreuses où il y a de la place pour encore plus de monde et où, en même temps, chacun garde toute sa place.
    C’est peut-être ça qu’il faudrait dire en premier à ceux qui ont peur des migrants : plus on est nombreux plus on est riches.
    Et plus on est de fous, plus on s’amuse.

  • Myriam Delepaul dit :

    Très bel hommage à votre maman et à votre papa. Ils peuvent être fières de ce qu’ils vous ont offert : l’Amour, la culture, l’education et l’expression du bonheur et j’en passe, vous l’écrivez mieux que moi.
    Sachez profiter de ce bonheur.
    J’ai lu ces textes comme on lit un bouquin mais je n’avais aucun doute sur la qualité des écrits.

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