Tout le monde sait très bien que la xième démission de Leterme a quelque chose de risible et de pathétique. Mais faut-il pour autant considérer que ce ne sont que des incapables farfelus que l’on a élus ?
Les conversations de bistrots comme les groupes qui fleurissent sur facebook prennent des allures assassines, rangeant sans discernement tous les politiques au même rayon des pingouins idiots, puérils et totalement incompétents, et appelant à ce que les citoyens eux-mêmes règlent les problèmes, avec toute la sagesse que eux, les purs et sans reproche, savent mettre en oeuvre. Ca n’est pourtant pas si simple, loin de là. Et l’on peut douter de la capacité de l’homme de la rue à venir à bout de questions aussi complexes que celles qui se trouvent derrière ces trois lettres B, H et V.
Aurait-on voulu que les Francophones acceptent la scission sans compensations ? Bien sûr que non. Et ce ne sont pas que les Francophones de la Périphérie – quand même des dizaines de milliers de personnes ! – qui auraient des raisons de manifester leur désaccord, mais aussi tous les Bruxellois, résidents ou navetteurs, c’est-à-dire un million et demi de personnes. Les billets que j’écris ici même, qui déplorent des manquements graves à la sécurité et à la mobilité ou qui se plaignent de l’état désastreux de notre enseignement comme des retards de la justice sont tous inspirés par des conséquences directes des conflits communautaires. C’est pour cela qu’entre autres il faut refinancer Bruxelles.
Mais d’un autre côté, quel parti flamand aurait pu prôner autre chose que la scission sans se suicider ? Bien sûr la non nomination des bourgmestres de la Périphérie est inacceptable. Bien sûr la revendication de l’imperméabilité d’une frontière linguistique qui a de tous temps été poreuse manque d’ancrage historique. Bien sûr le nationalisme flamand est exaspérant. Mais les Flamands n’ont-ils pas toutes les raisons de s’énerver face à notre unilinguisme désespérant ? Face à nos “affaires” bien wallonnes et à répétition ? Face à notre chômage de longue durée devenu endémique ?
BHV, c’est le droit du sol contre le droit du sang. Je suis du côté qui défend le droit du sang, considérant en outre que la présence francophone dans certaines régions “frontalières” de Flandre date d’avant la fixation de la frontière. Mais le serai-je encore dans vingt ans lorsque les Musulmans seront majoritaires à Bruxelles ? Ben… on était là avant eux, non ?…
Bref, ça n’est pas simple. J’ai bien ma petite idée, mais quelle est ma légitimité pour l’avancer ? Celle d’un dix millionième des concernés. Tout ce que je sais c’est qu’en négociation, il ne sert strictement à rien de venir avec des Y-a-qu’à et des Faut-qu’on. Fondamentalement pourtant, je n’aimerais pas être dans la peau d’un négociateur modéré en ce moment. Le statut de dur est plus enviable. Tous les politiques sont critiqués, vilipendés, par l’opinion publique dans son ensemble et des deux côtés. Les seuls qui résistent, dans leur camp s’entend, sont les durs. On prépare un boulevard à De Wever, à Dedecker, au Vlaams Belang. Comme à Maingain et Modrikamen. Et les autres, s’ils ne se durcissent pas à leur tour, risquent de devoir aller se rhabiller après les élections.
N’oublions pas que les élus sont à la mesure du peuple qui les a choisis. Si celui-ci estime ses mandataires ridicules, c’est qu’il a été lui-même ridicule de les élire, ça n’est pas plus compliqué que ça. Plutôt que d’entrer aujourd’hui dans un poujadisme destructeur, soudons-nous dans des propositions raisonnables, discutables, acceptables des deux côtés. Et entendons les critiques des Flamands démocrates. Il y en a ! Est-ce encore possible ? je ne sais pas. Mais je sais que je ne veux pas vivre dans un désert économique et social, île francophone dans une Flandre hautaine et xénophobe. Je sais que l’on a tout à perdre d’une rupture définitive, alors qu’on peut encore gagner beaucoup d’un compromis. Mais je sais aussi que la Belgique de Papa est finie, cette Belgique où l’on commandait son moule frites partout en français.
Un groupe s’est créé sur facebook. “Chiche qu’on trouve 150.000 personnes qui tiennent à l’unité de la Belgique !” 150.000 personnes… C’est moins d’un pourcent et demi des Belges… Or pour l’instant ils sont moins de 60.000 à s’être trouvés… Qui plus est, le groupe n’existe qu’en français ! C’est drôlement symptomatique. Ce qu’il faudrait c’est un groupe qui rêve d’un pays réellement pluriculturel et plurilinguistique. Mais voilà, j’arrive avec les faut-qu’on !… Allez, yapluka aller voter !
un commentaire pour Droit du sol et du sang vs Yaka et faucons
Je suis d’accord avec ce "commentaire" bien pesé. Un dessin assez net et réfléchi de cette peinture belge qui a tendance à se patiner. Juste deux remarques : les extrêmes vont faire leur jus de cette situation… sauf Modrikamen ! Il serait taxé de 0.2 % des intentions de votes. Ouf ! Il a tout tenté, il n’a rien remporté (au niveau juridique). Il pensait avoir gagné la bataille médiatique et obtenir du pouvoir politique. Les derniers sondages l’éliminent du jeu. Gagner un électorat, ce n’est pas gagner une bataille juridique à coups de procédures. Sa suffisance a évacué ce point pourtant élémentaire.
Autre remarque : nous avons les politiciens que nous méritons. Certes ! Mais je ne peux m’empêcher de penser que la démocratie a une lourde tendance à rimer avec médiocratie. La démocratie est le moins mauvais des systèmes ! Point ! Mais il est très loin d’être parfait. Il peut même accoucher de monstres : Hitler en est la preuve incarnée. Je reste pantois de voir après 8 ou 9 affaires de fraudes le PS ne pas bouger dans les urnes. Je suis interloqué que des personnages comme Lizin, avide de reconnaissance et de pouvoir, traversent jusqu’il y a peu toutes les époques à coup de clientélisme et de coups bas. Je suis groggi de constater qu’après des négociations échouées entre "modérés", ce sont les extrêmes qui vont passer (NVA serait 1er parti flamand). Comme si discuter avec la menace d’une bate de base balle allait faire avancer les choses. Pauvre électeur qui est obligé de se rendre aux urnes pour élire des gens dont il ne soupçonne pas le dixième du programme politique et pas le centième des complexités communautaires. C’est là la démocratie, avec tous ses avantages mais aussi… toutes ses limites !
D.K (ami yakoudounien)