Kris Peeters, président flamand, a à l’évidence manqué d’à-propos en parlant de “jour noir pour la Flandre” à l’occasion de l’accident de train de Hal. Celui-ci est bien survenu en Flandres mais il aura fait de nombreuses victimes tout simplement belges, dont on ne sait pas encore dire, à ce jour, quelle langue elles parlaient juste avant qu’un choc effroyable ne leur ôte toute vie.
Pays bizarre qui se déchire et qui oublie que tous les jours des dizaines de milliers de personnes traversent la Flandre pour se rendre dans une grande ville francophone. Ne profitons pas du malheur des uns pour faire notre lit communautaire. Cette vingtaine de morts affalés en plein BHV venaient bien des deux côtés de la frontière linguistique. C’est un jour noir pour la Belgique et pour l’humanité, Monsieur Peeters. Et la Wallonie comme la Flandre ont peut-être des choses à se reprocher, ne fût-ce que dans leurs calculs de clés de répartition, qui n’ont rien à voir avec le besoin ou la solidarité, mais bien avec l’égoïsme nationaliste.
Un commentaire intéressant glané sur le site de la RTBF met en lumière ce déséquilibre manifeste entre nord et sud du pays : “Ayant fait une recherche universitaire sur le rail, je puis vous dire que ce transport en Wallonie va mal, malgré la hausse des usagers. La clé de répartition (60% du budget va en Flandre, le reste en Wallonie, malgré sa topographie nécessitant plus d’infrastructures), les matériels roulants (allez en Flandre, vous ne trouvez plus ou rarement les vieux trains P rouge double étage), les infrastructures (vitesse très lente entre Charleroi-Namur par exemple) et les quartiers de gare (la SNCB-FR ne possède pas de cellule avec des urbanistes et (ingénieur-)architectes! contrairement à Eurostation [fillière flamande d’NMBS] qui travaillent les gares de Gent-Sint-Pieters, Antwerpen, Kortrijk, Leuven, Brugge, etc.)”
Je repense à un récent trajet Bruxelles – Tournai où le train devait rouler au pas parce que la signalisation des passages à niveau ne fonctionnait plus. L’état de décrépitude du matériel de la SNCB est de jour en jour plus déplorable.
Au-delà des erreurs humaines, il y a la politique. Elle peut être coupable. Que ses principaux représentants fassent alors preuve de dignité et de discernement. C’est un jour noir, oui. Mais vous auriez mieux fait de vous taire, Monsieur Peeters, au lieu de n’adresser votre compassion qu’à vos seuls concitoyens flamands. La catastrophe est bien nationale, même si ce terme n’a plus sa place dans votre vocabulaire. Finalement, si l’on se targue du fait que jamais les conflits communautaires n’ont dérivé en mort d’hommes, peut-être ces vingt morts d’Hal en sont-ils les premiers. (1)
(1) Le dernier accident important de chemin de fer en Belgique fut, il est vrai, lui aussi lié aux problèmes communautaires. En 2001, un contrôleur francophone n’avait pu se faire comprendre de son collègue néerlandophone, à quelques kilomètres de là. Et ce fut la collision. Huit morts. Huit morts qui n’auront pas permis d’éviter ceux d’aujourd’hui.
un commentaire pour Jour noir pour l’à-propos
Kris Peeters peut maintenant pousser un grand ouf de soulagement. Il se peut en effet qu’il n’y ait aucun flamand parmi les victimes… humour noir, je sais 😉