La manche et la fessée

Posté le 5 avril 2010 dans Divers

Paris La Défense, lundi de Pâques. Je fais la file pour acheter mon ticket de métro. Une jeune femme fait la manche. Longue jupe type bohémienne et sabots avec des chaussettes. Son regard est dur et insistant. Aucun refus ne la dissuade. Elle continue. Son objectif : une pièce. On voit que tant qu’elle ne l’a pas, elle s’obstinera. C’est son job. Elle s’en fout d’importuner. Obligation de résultat.
Une escouade de jeunes gars en uniforme se pointe. Chaussures et matraques militaires. Des agents de sécurité de la RATP, ni gentils ni méchants, c’est leur job. Un gars, quasi le même âge, la reconnaît. Tu es encore là, toi ! Non mais, quand est-ce que tu comprendras ? C’est la quatrième fois aujourd’hui. Comment tu vas comprendre ?… La jeune femme ne dit rien. Elle le regarde, comme elle me regardait cinq minutes plus tôt. Elle n’en a rien à battre. Ce mec, tout uniformisé qu’il soit, l’emmerde. Il l’empêche de faire son boulot. Mais elle sait qu’elle doit le laisser causer, rien de plus. Elle poursuivra son job plus tard. Comprend-elle d’ailleurs le français ? On ne le sait pas. Alors, le grand escogriffe assez con poursuit : Qu’est-ce qu’il faut pour que tu comprennes ? Que je te donne une fessée ? Avec ça, tu comprendras ? Allez, file. Mais la prochaine fois, je te donne une fessée, devant tout le monde…

Pendant que je réceptionne mes tickets, je me demande si, au fond de lui, ce grand mec athlétique n’aime pas un peu cela. Si finalement ça ne lui ferait pas plaisir de la fesser cette jeune femme, en public ou en privé peu importe. Je me demande aussi si la jeune femme en question sait ce que veut dire fessée. Je ne le sais pas et ne lui ai pas demandé. Mais je suis sûr d’une chose, c’est que là, elle ne se laisserait pas faire. Elle sortirait ses griffes et ses dents. Et l’autre ne se limiterait alors pas à la fessée.

Fait totalement anodin et quotidien. Mais qui montre l’étendue des dégâts. Au fond, cette femme n’en a cure de la loi. Ce n’est pas la loi qui lui donnera à manger. Ce n’est pas non plus la loi qui la protégera des coups qu’elle recevra peut-être ce soir parce qu’elle n’aura pas ramené suffisamment de tunes. Des coups de son mari, ou de son protecteur maffieux. Et au fond, ce grand malabar qui représente la loi se rend bien compte que celle-ci ne lui donne pas beaucoup de pouvoir. Et encore moins d’autorité. Cette fille se fout de sa gueule. Peut-être aimerait-il que s’instaure dans le code pénal le droit des agents de sécurité à fesser une jeune femme en public. Et peut-être ce soir espèrera-t-il la retrouver demain en train de taper les passants. Mais si demain est une autre paire de manche, à La Défense, il sera encore défendu de fesser les mendiantes. Et c’est tant mieux.

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