La réponse

Posté le 7 janvier 2016 dans Divers

Alors voilà. La lettre que j’ai envoyée au MR à propos du projet de démolition d’un immeuble de l’avenue de Tervueren a été transmise à Françoise Bertieaux, élue MR et propriétaire actuelle de la maison.

Pour rappel, un article de La Libre avait alerté plein de Bruxellois. Un immeuble de toute beauté semblait voué à la démolition selon l’accord entre les candidats acquéreurs et les propriétaires actuels.

C’est trop ! Bruxelles a tellement souffert de ces bulldozers dorés qui croient pouvoir faire plein d’argent à court terme en amochant le paysage urbain à long terme. On croyait sincèrement cette époque révolue, mais à l’évidence il n’en est rien. Et cette fois-ci avec la bénédiction d’une mandataire poltique de premier plan, à savoir la cheffe du groupe MR à la Communauté française. C’est-à-dire à la culture.

J’ai écrit au MR, et ma lettre a été transmise à Madame Bertieaux.

Voici ce qu’elle m’a répondu :

J’accuse bonne réception de vos remarques concernant un dossier qui concerne pourtant ma vie privée. Je voudrais cependant vous donner quelques éléments de réponse afin qu’il n’y ait aucune confusion. Contrairement à ce qui est sous-entendu dans La Libre, je ne suis pas celle qui a introduit ce permis d’urbanisme. Je suis simplement, avec mon mari, la propriétaire de cette maison
et qui, pour des raisons strictement privées et d’ordre familial, a décidé de déménager et dés lors de vendre sa maison. Les enfants ont grandi et cette maison est devenue beaucoup trop grande pour mon mari et moi. Nous souhaitons vivre dans un espace plus petit et moins énergivore. Vous reconnaîtrez que c’est là mon droit le plus strict ! Comme n’importe quel autre citoyen, je ne peux empêcher un acheteur d’avoir un projet pour son futur bien. Dans ce contexte, une procédure légale d’enquête est en cours et une commission de concertation est prévue le 19 janvier. C’est là que toutes les personnes qui souhaitent s’exprimer pourront le faire, et qu’il y a une possibilité pour chacun d’arriver à bloquer le permis. Les gens pourront donc s’exprimer selon les procédures légales. Je déplore les rumeurs et autres insinuations véhiculées ces derniers jours. Sachez que je ne participerai pas à cette concertation, car j’insiste : je ne suis pas la personne à l’origine de ce projet ! Par ailleurs, cette maison n’est pas classée et a subi des transformations majeures dans les années 20 qui n’en font plus le témoin de l’art décor que l’on prétend. Je le répète : Vendre sa maison fait partie de la sphère privée et tenter d’en faire une “affaire politique” en remettant en
cause mes compétences et ma loyauté en tant qu’élue MR est un amalgame dangereux.
Elu ou pas, les droits sont les mêmes pour tous !

Bien à vous,
Françoise Bertieaux

Dont acte. Sa ligne de défense est de considérer qu’il s’agit d’une affaire privée d’une part et que d’autre part ça n’est pas elle qui sollicite le permis de bâtir.

Voici la réponse que je lui ai adressée :

Chère Madame,
Je vous remercie pour votre réponse rapide et claire.
Je n’ai jamais remis en cause le caractère privé de ce dossier sur le plan de la transaction. C’est, bien entendu, votre droit le plus strict de déménager. Je l’ai fait moi-même il y a un an, pour les mêmes raisons que les vôtres.
J’ai bien conscience également que les démarches à effectuer pour transformer le bâtiment relèveront du nouveau propriétaire. Je ne pense d’ailleurs pas que La Libre ait insinué que c’était vous qui aviez introduit la demande de permis. En tout cas, ça n’est pas comme cela que j’avais compris l’article.
Ce qu’en revanche j’ai compris et qui m’a fait bondir, c’est que vous sembliez parfaitement connaître les intentions de l’acheteur. La démolition. C’est bien cela qui me heurte. Et c’est pour cela que j’ai précisé que mon courrier ne reposait en rien sur le droit mais bien sur la morale.
On peut avoir des approches différentes sur ce point évidemment. Lorsque j’ai vendu ma maison il y a un an, une magnifique maison que j’aimais, je sais que j’ai eu plus facile à en faire le deuil parce que je savais que je vendais à une famille qui l’aimerait autant que moi. Qui en jouirait comme elle, la maison, le méritait.
Le superbe immeuble que vous habitiez mérite de survivre à notre époque qui a déjà tellement amoché la ville. Quand bien même non classé, il est de toute façon plus « remarquable » et chargé d’histoire que le mien. Il fait partie, à mes yeux, du patrimoine que nous avons, collectivement, le devoir de transmettre. Vous auriez toutes les raisons d’en être fière.
J’espère donc de tout cœur que le permis de démolir sera refusé. J’ai bien compris que vous ne jouiez plus aucun rôle à ce sujet, mais je continue à déplorer, et cela clairement en lien avec le caractère exemplaire et symbolique qui doit accompagner vos mandats, votre manque d’intérêt, confirmé, quant à la sauvegarde de votre ancienne maison. La vendre à des démolisseurs déclarés reste, à mes yeux, une faute. Politique et morale.

Bien à vous,
Pierre Guilbert

Pour le reste, pointons trois réactions :

Celle de Madame Bertieaux elle-même, sur le site de la RTBF. Sa position – foutez-nous la paix, c’est une affaire privée – en dit long sur sa conception du respect du patrimoine : d’abord une question de liberté individuelle. Elle déplore en outre que cette inélégance à en faire une question politique a profondément blessé sa famille. Ben oui, je comprends. Moi je n’aimerais pas que quelqu’un de ma famille agisse à sa manière…
Celle d’André du Bus, député bruxellois et conseiller communal d’Etterbeek, qui, s’offusquant d’un tel projet, a interpellé le président de l’exécutil bruxellois.En rappelant les antécédents malheureux que cette avenue a connus.
– Celle de Françoise Cordier, qui travaille dans les services de protection du patrimoine. Sur mon mur, en réaction à cetains commentaires, elle écrit : “La direction des monuments et sites suit le dossier pas de panique … On ne laissera pas détruire cette maison avenue de Tervueren.”

Gageons que cette dernière phrase soit de nature à nous rassurer. Mais à l’évidence, pour sauver le beau et l’Histoire, la vigilance reste de mise à Bruxelles.

2 commentaires pour La réponse

  • Maximilien Hayez dit :

    Et moi, j’espère qu’on fera preuve de courage politique en rasant cette maison pour y ériger à la place un bâtiment plus en ligne avec les besoins de demain. Les défis urbanistiques, démographiques, énergétiques ou esthétiques de ce quartier sont tels qu’il serait dommage de préserver un bien qui n’est ni inscrit dans un ensemble harmonieux, ni témoin de son époque de construction -puisqu’il a été profondément transformé 30 ans plus tard. Osons l’audace face à la frilosité, c’est le plus beau message que nous pouvons adresser aux génération futures!

    • Pierre Guilbert dit :

      Le logiciel du blog me demande d’approuver le commentaire… En fait, j’en approuve la publication, parce que je serais bien con de refuser le débat à ce sujet. J’en ai d’ailleurs aussi sur Facebook.
      Mais en réalité, je désapprouve totalement le fond.
      C’est dingue ce que je peux être d’accord sur un certain nombre de choses : oui, du courage il en faut ; oui il faut penser aux générations futures. Mais je crois que justement on a trop fait preuve, jusqu’à présent, d’un manque de courage politique à court terme, pour laisser démolir des merveilles et à la place construire des choses qui quatre ans plus tard on déjà vieilli. La Maison du Peuple de Horta était-elle classée ? Je ne crois pas.

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