Le cheval de fer à vau-l’eau

Posté le 8 janvier 2010 dans Divers

Bruxelles – Tournai en train, ça passe par les steppes enneigées, par des montagnes infranchissables et des lacs gelés. L’aventure. Le gros cheval de fer ahanant pousse ses grosses machines pour se déjouer d’une météo capricieuse. Pardi, il fait moins cinq ou quelque chose comme ça, c’est du jamais vu, de l’inimaginable dans ce pays à la tradition caniculaire bien connue. Mais tout d’un coup, le train fait mine de s’arrêter. Ah, non : il continue, mais au pas, réellement au pas. En cause, les passages à niveau se sont mis en grève. Poups, les clignotant ne clignotent plus et le rouge s’est éteint. Le cheminot conduit donc à vue, comme à l’ancien temps. Impressionnant. Il voit devant lui des voitures qui s’enhardissent en traversant les voies en toute légalité. Que se sont dit leurs conducteurs ? on ne le sait pas, mais on peut les imaginer ce soir raconter à qui mieux mieux la peur qui les a saisis au ventre de voler la priorité de droite à un convoi vroumvroumant et teuteufant.

A l’heure où Le Soir réédite tous les Blueberry, on se croirait au Far West, dans les Rocheuses. Mais les indiens picards sont restés discrets. Ils n’ont pas attaqué. Dans ces conditions, quarante-deux minutes de retard pour un trajet qui en demande soixante, c’est finalement pas trop mal, allez.

Bien sûr, pour faire le trajet dans l’autre sens, on se dit que le train aura aussi du retard. Mais la SNCB ne semble pas à même de faire cette bête équation. Sachant qu’un train qui fait un aller – retour a mis quarante-deux minutes en plus de l’horaire normal pour faire l’aller, à combien estimez-vous le retard probable qu’il aura au départ de son trajet retour ? Eh bien, la SNCB aurait zéro à cette interro. Parce qu’en effet, pour elle, c’est zéro minutes, zéro secondes. Sur RailTime, aucun retard n’est annoncé, pas plus que sur les moniteurs de la gare de Tournai, déserte de tout personnel mais rempli d’âmes en peine qui tapent du pied sur le quai frigorifique.

Nous voilà donc sur le quai, zieutant à l’horizon le cheval de fer qui n’arrive pas. Aucune grande fumée ne s’annonce. Le fourgon aurait-il été attaqué par les Mouscronnois qui ne se consolent pas de la perte de leur équipe de foot ? Pour un peu, comme Red Cloud ou Cochise, on poserait l’oreille sur le rail. Oh, Cheval de Fer encore en retard, mon frère. Mais non, je préfère un autre moyen : le personnel maison. Je quitte le quai à sa recherche et découvre que le train de Bruxelles a disparu des écrans vidéo ! Comme la signalisation des passages à niveau ! Pfuit, plus là, le cheval de fer. Je toque à une porte, la seule qui laisse encore passer une lueur blafarde. Derrière, des gens m’assurent que le train arrivera bientôt. Mais il n’est plus annoncé sur les écrans, leur dis-je. Ah. C’est tout ce qu’ils m’ont répondu.

Mais voilà. Le cheval de fer est arrivé. Je suis dedans. Pour combien de temps, je ne sais pas. Pas plus d’ailleurs que le contrôleur qui, le pauvre, a encore moins d’informations que les voyageurs. Peut-être tout simplement parce qu’il n’ose pas poser l’oreille sur la voie.
En fait, la SNCB devrait recruter. Non pas seulement des garde-barrières, mais aussi des communicateurs.

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