Il y a quelques semaines, j’ai fait appel à une entreprise dont, par gentillesse, je tairai ici le nom. Appelons-la « Brol ». Globalement, j’en suis totalement satisfait et serais prêt à en conseiller les services à tous mes amis. Un problème grave est toutefois survenu il y a deux jours : une enquête de satisfaction des clients de Brol !
Une jeune dame me téléphone en me demandant si je suis prêt à répondre à un questionnaire au sujet des services de Brol. Avec plaisir, dis-je. C’est vrai, je trouve toujours chouette qu’on me demande mon avis, d’autant plus que je me sens redevable à l’égard de Brol, vu la qualité de ses services. Ça commence donc. Etes-vous très satisfait, satisfait, moyennement satisfait, moyennement insatisfait, insatisfait, très insatisfait des services de Brol ? Avec ma réponse on ne peut plus sincère – Très satisfait ! –, je crois qu’on en aura bientôt terminé. Mais non. Ça dure, ça dure, ça dure. Dix minutes plus tard, je ne peux plus continuer. Je dois partir, on m’attend, on m’appelle sur une autre ligne, et je n’ai pas eu le temps d’imprimer mon document, et quand donc pourrai-je faire pipi ? Je demande à ma charmante interlocutrice si elle en a encore pour longtemps. Elle me répond que ça dépend de mes réponses. Comme jusqu’à ce moment-là, je n’ai oscillé qu’entre « très satisfait » et « satisfait », je me demande bien dans quelle galère je me serais fourgué si d’aventure j’avais eu des réponses plus critiques. J’insiste. Une dizaine de minutes, me dit-elle alors. Je lui dis que je n’ai plus le temps. Elle me demande si elle peut me rappeler le lendemain. Mais je suis super full, lui dis-je. Tout le temps en réunion. Mais essayez. Je raccroche.
Le lendemain, coucou la revoilou. Au pire moment. Je dois conduire mon fils. Et puis ma fille. On est tous en retard, non pas maintenant ! Ecoutez, lui dis-je, je suis extrêmement satisfait des services de Brol et n’ai absolument aucune critique à émettre. Aucune ! C’est superbe, magnifique, extraordinaire. Vous pouvez noter cela ? Mais elle insiste. Si on ne va pas jusqu’au bout, tout ce qu’on a fait hier ne servira à rien. Moi, franchement, ça m’est égal. Mais je comprends évidemment qu’elle, elle risque de ne pas être payée. De mauvaise grâce et du bout des lèvres, j’accepte. Mais en conduisant, parce que je ne peux plus traîner. Sans oreillette ! Elle est cassée. Oui, Monsieur le Juge, j’avoue, j’ai commis un délit. Mais c’est de la faute de Brol et de son enquête de satisfaction client ! Ça recommence donc. Des questions qui pleuvent, à tire-larigot. Il y a des nuances entre les questions, mais je ne les saisis pas. Dès lors, à chaque fois j’aboie « satisfait ! »
– Est-ce que vous trouvez que… ?
– Satisfait !
– Et que pensez-v… ?
– Satisfait !
– Que… ?
– Satisfait !
Mais elle ne change pas d’un iota. Toutes ses questions se terminent par un très satisfait, satisfait, moyennement satisfait, moyennement insatisfait, insatisfait, très insatisfait. De toute façon, ses questions je ne les écoute plus, à quoi bon ?
Douze minutes plus tard, j’étais arrivé à destination. Je le lui ai dit. Je ne sais pas si elle et moi étions arrivés à destination, mais tant pis. C’est à ce moment qu’elle me demande si maintenant elle peut « poser quelques questions à mon fils »…
Ne me parlez plus de Brol ! Globalement je suis extrêmement farouchement fortement très insatisfait de leur enquête de satisfaction client.