Allez, les amis, il y a des jours où les choses démarrent plutôt bien. C’est tellement rare qu’il faut le souligner quand même ! Un peu de positivisme que diable. Si l’on prétend que les journaux n’annoncent que les trains en retard, il ne sera pas dit que mes billets rechignent à aussi annoncer des bonnes nouvelles. De quoi s’agit-il cette fois-ci ?
Eh bien, figurez-vous que mon train pour Tournai était annoncé à l’heure ! Alors qu’aujourd’hui la Sncb change ses horaires, faut le faire ! D’autant plus que tous les autres trains sont annoncés en retard ! Vous imaginez ma fierté. Je me pointe sur mon quai, torse bombé. Le mec cool, quoi. Chançard, la vie lui sourit. Alors que tous les autres, Gand Saint-Pierre, Liège Guillemins, Namur Luxembourg ou Anvers Central, eux, la queue entre les jambes, le sort sncbesque s’acharne sur eux. Conscient que mon privilège me donne des devoirs de type sociétal, j’ai une pensée émue pour cette dame qui s’évertue à annoncer sa litanie de mauvaises nouvelles au micro. En français, néerlandais et parfois anglais et allemand. La pauvre, on sent sa voix faiblir de semaine en semaine. Elle est bonne pour le Prozac. Faudrait lui offrir une année de thérapie au Club Med. Ou mieux : dans une compagnie de chemins de fer à l’étranger. Le rêve pour elle. Annoncer des trains à l’heure, vous imaginez ?
Voilà ce que je me dis en attendant mon train annoncé à l’heure sur mon quai. Et voilà ce que je vous écris. Parce que oui, à force d’attendre mon train annoncé à l’heure, je me suis dit que tout compte fait, rentabiliser ce temps d’attente de la ponctualité n’était pas idiot. Quoi ? me dites-vous, il n’est pas arrivé à l’heure, mon train ? Eh oh, je ne crois pas au Père Noël, moi ! Bien sûr que non qu’il n’est pas arrivé à l’heure, on ne vit pas dans des contes de fées à la Sncb. Non, non, treize minutes après qu’il aurait dû nous embarquer et qu’il brillait toujours par son absence, la brave dame au Prozac nous a annoncé qu’on pouvait se brosser. “En raison d’un changement d’affectation du personnel, le train à destination de Tournai est bloqué en gare du Nord…” Ca, on ne nous l’avait jamais sortie, celle-là. En raison d’un changement dans l’affectation du personnel !… Joli, joli.
Et donc, moi qui ai tout le loisir de vous écrire, confortablement installé sur les quais du Midi, je vous demande une minute de silence en solidarité avec tous nos compatriotes qui sont bloqués dans un train surchauffé de la Gare du Nord. Le sort aurait pu s’acharner sur moi. Imaginez un peu que le changement dans l’affectation du personnel se soit déroulé inopinément en pleine campagne entre Bruxelles et Tournai. C’est ça le miracle de Noël. La gentille fée Sncb s’est penchée un jour sur mon berceau.