Popol, mon père est décédé. Son corps a abandonné ce combat trop difficile contre la maladie. Sa tête était déjà partie, rejetée par un Alzheimer qui l’avait isolé dans un vide de communication. Nous avions beau être près de lui, il n’en était pas moins seul dans cette incompréhension de ce que la fin de sa vie lui avait réservé. Crasse de maladie. Depuis quelques mois, nous étions dans la résignation. Celle de ne plus voir en face de nous son humour, ses rires et sourires, son regard sur la vie. Son amour.
Aujourd’hui le décès autorise le deuil. Il nous permet d’oublier la déchéance du corps et de l’esprit. La paix qu’il trouve enfin aujourd’hui rétablit le souvenir d’un homme pas banal. Un homme de caractère, qui ne fut pas pour rien imprimeur. Un homme de tempérament, qui mit son humanisme à la tête de son entreprise. Un homme de planches, qui fit rire et pleurer sa communauté paroissiale. Un homme de fidélité, qui cultiva comme rarement des amitiés nombreuses et fortes. Un homme de parole, qui la maniait avec brio, au service de ses engagements et de sa foi en la vie. Un homme de bien, qui non seulement n’aura jamais fait de mal à personne, mais qui, bien plus, ne fut jamais avare d’une générosité sans calcul.
Mes parents ont eu sept enfants et dix-neuf petits-enfants. Et tant de neveux et nièces qui étaient pour eux autant de petits soleils… Mais ça n’était sans doute pas suffisant. C’était tous les jours table ouverte. Quand il y a à manger pour neuf, il y en a aussi pour onze, treize, ou quinze, allez ! Les amis de nos enfances le savaient et, innombrables, se trouvaient chez eux chez nous. Combien sont-ils aujourd’hui à se sentir orphelins ? Combien serons-nous, ces jours-ci, dans les préparatifs de ce noël blanc inhabituel, à sentir la larme perler à l’œil, avec ces souvenirs fugaces des moments de plaisir et d’amitié. Patriarche avant l’heure, Popol trônait dans cette tribu sans cesse élargie avec un bonheur non feint. L’humour était sa religion, les blagues ses évangiles. Et, nous ses enfants, nous avions comme consigne implicite de ne pas trahir son talent. Nous étions ses complices, avant de devenir en quelque sorte ses disciples.
Ses blagues sont légion. Tout le monde en a eu pour son grade. Ses beaux-frères et belles-sœurs, qui l’adoraient. Nos cousins et cousines qui n’hésitaient pas à redemander de l’Oncle Pol. Et puis nos enfants et leurs nombreux cousins, qui adoptèrent le Popol qui allait lui rester. Et donc nos amis, tous, qui apprirent beaucoup de ses plaisanteries.
Aujourd’hui, il est là, couché dans son dernier lit. Il a toujours adoré les siestes. Celle-ci sera réparatrice. Il y a droit. Il a retrouvé son regard paisible, nous laissant sa canne Charlot et son nœud pap de clown. Il n’a pas voulu du coma. Il lui aura fait son compte vite fait à celui-là. Il ne pouvait se résoudre à déserter de la sorte le réveillon de sa tribu. Alors, il nous a joué un tour. Sa dernière blague. Il a accéléré son départ, entouré de sa femme et de ses enfants. Il sera parmi nous au réveillon, et non plus dans ces hôpitaux qu’il n’aimait guère. Il sera dans nos cœurs, où il se sait mieux. Avec son humour, ses sourires, son amour. Et le nôtre.
8 commentaires pour Popol, sa dernière blague
La merde avec Alzheimer, c’est que ça joue sur la mémoire des gens, mais en l’occurrence Popol aura triomphé de son combat, pcq sa mémoire et son souvenir resteront intacts pour nous qui avons eu la chance de le côtoyer.
Je l’ai déjà dit à Pierrot et Colo, mais son OPA amicale avec Myrèse et votre bande des 7 vis-à-vis de notre famille a été une aubaine pour nous. Elle l’a été aussi pour tant d’autres "paroissiens" buvant les bons mots de cet "épître de St-Paul" qu’était votre Papa.
Pierrot, tu dis qu’il avait du caractère pour un imprimeur, moi j’ajoute que c’était un homme qui a toujours fait impression!
Son charisme bonhomme, son sens de la dérision et du second degré (avant que ça ne soit à la mode), son grand coeur (qui avait trouvé avec Myrèse une formidable caisse de résonance), votre maison à géométrie variable, votre famille reconstituée (pas avec le sens dans lequel on l’entend maintenant) pour chaque repas ou vacances… tout ça, ça a rendu pas mal de choses possibles et généré des souvenirs qui cheminent encore au travers des amitiés qu’il a semées.
Et ça Alzheimer ne nous le prendra pas.
Tout comme sa place de VIP pour sa camionnette VW devant chez Raoul, la café à Olloy, étape obligée sur la route de Vierves, notre riviera d’ados…
Tout comme sa dégaine à la Tati…
Tout comme son intérêt et sa curiosité pour tant de choses…
Tout comme son incroyable habileté à se "moquer" tendrement des gens qu’il aimait, sans JAMAIS blesser…
Bref, il nous a appris à rire, à rire de nous et de ceux qu’on aime, il nous a appris à faire rire et ce n’est pas prêt de s’arrêter, n’en déplaise à Alzheimer!
Loulou
Biz à Myrèse et vous/nous tous
Merci pour ce beau portrait. Et tu as raison, les larmes qui perleront seront presque aussi nombreuses que les flocons qui tombent aujourd’hui.
Emouvant et tellement beau!
Quand on peut écrire un texte comme celui là sur son père, c’est que vraiment, c’était pas n’importe qui….
Tendres pensées à toute la famille
Merci pour ce beau texte et cet hommage. Toute mes condoléances à votre famille. Et bon vent à Popol qui quelque part s’est installé pour nous voir.
Didier Tondreau
Et voilà que votre papa est parti en cette veille de Noël, fête de la famille, de l’accueil, du partage. Il a vraiment choisi le moment qui lui correspondait bien.
Comme le dit Loulou, les moments partagés avec vous tous grâce à la porte toujours ouverte de Popol et Myrèse ont réellement marqués nos vies d’hier et d’aujourd’hui.
Ce soir, je laisse venir les souvenirs … Purée, quelle chance on a eu de croiser Popol et sa tribu!
Je vous serre tous dans mes grands bras,
Marie-Hélène
Nous avons connu Pol Guilbert au travers de Nadette, de René et lors de fréquentes rencontres à Saint-Paul. Nous le savions malade mais sans imaginer qu’il vous quitterait ainsi, sur la pointe des pieds, à quelques jours de la fête de Noël. Il faisait partie de ces gens qui, par un sourire, un mot d’accueil, un engagement apportent réconfort et soleil à ceux qui font face à l’adversité. Engager une conversation avec lui valait toutes les psychothérapies du monde. La présence de "ces messagers de sérénité", même lointaine, est rassurante et quand elle laisse la place à l’absence, on n’ose, dans un premier temps, y croire. Ce soir, les "Pïtres de Saint Paul" sont tristes, les livres bien reliés au sein des bibliothèques tournaisiennes sont pour toujours les témoins du travail bien fait qu’il appréciait. A vous tous, mon épouse, mon fils et moi-même, présentons nos très sincères condoléances.
Merci Pol pour ton accueil merveilleux qui faisait à la Source des Mottes de si belles et grandes tablées ou se mélangeaient les amis des différentes générations de tes enfants. Et que dire de ton humour qui nous ressourçait à chacune de nos visite. Merci aussi à toutes ces belles énergies que tu as transmises à tout tes enfants et qui nous la retransmettent par tant de fort belles initiatives qu’ils nous font partager.
A vous tous, gardez bien en vous tout cela, et vous sentirez alors que Pol n’est pas si loin.
Merci Popol et bonne route….
Bien à vous tous et courage
Patricka
Je ne connaissais pas votre Papa; mais quand je lis ce message d’amour de l’un d’entre vous, je comprends encore mieux vos yeux pétillants , la générosité et le sens de l’accueil inhérents à votre famille … et tout ce qui parle de vous, toujours le coeur sur la main et la main tendue, sourire aux lèvres … Transmettre ce qui vous a été transmis de constructif, c’est le plus bel hommage que vous puissiez rendre à votre cher Papa. Une bibliothèque s’en est allée, mais vous restez les meilleurs colporteurs de tout son contenu…
Bien à vous tous amicalement,
Marie-Noëlle